2025-01-26
Qui serait assez fou pour monter au Python des Neiges avec des cailloux dans la chaussure ?
Jusqu’à il n’y a pas si longtemps, je me fatiguais à cause d’une quantité de petits tracas qui barraient mon chemin, et m’obligeaient à m’arrêter dans mon élan. Je me souviens de trois situations qui revenaient souvent:
Mais ça, c’était avant ! Voilà trois manières de devenir inarrétable.
Horrible moment que 21h le soir, la faim au ventre, arriver dans la cuisine et apercevoir la tour de vaisselle que mon moi-du-passé n’a pas faite, et que je vais devoir faire avant de pouvoir cuisiner si je veux pouvoir manger.
L’inverse de cette situation, c’est le ghost-cooking, qui rassemble cuisine et vaisselle. Tel que présenté dans sketchplanations, ça consiste à rentabiliser le temps de cuisine en prenant de l’avance sur la vaisselle pendant les temps d’attente de la cuisson.
Pour les tâches simples ou routinières, il ne faut souvent pas grand chose pour rendre l’activité facile à démarrer ou à reprendre. Par exemple, on peut considérer le rangement et la préparation comme faisant partie de la fin de l’activité elle-même: je n’ai pas fini de faire les courses tant que les sacs de courses n’ont pas été rangés; au pire, le frais doit au moins être mis au frais pour ne pas se perdre, le reste pourra être fait un peu plus tard.
Autre variante, j’aime bien poser le cartable dans le chemin pour sortir de la maison : plus besoin d’y penser car il est sur ma route. Ici, je rassemble le chemin pour sortir et le chemin pour ramasser le cartable, qui auraient été séparés sinon.
Au CDI de mon lycée, le documentaliste avait écrit en grand sur le bureau de l’accueil:
Une question bien posée est une question à moitié résolue.
En 2024, l’arrivée des modèles d’IAs conversationnelles a bouleversé ma manière de voir le texte: soudain, je peux discuter avec un agent qui répond à toutes mes demandes. Et comme le modèle répond aux requêtes en assemblant à partir de son corpus d’entraînement, plus riche sera le contexte de ma question, plus adaptée sera sa réponse.
Autrement dit, pour que ma question soit bien posée, il faut lui donner un max de contexte !
Quand un projet se révèle plus long que prévu, je n’arrive plus à garder tout le contexte en tête et je perds du temps à oublier de précieux détails : quel était le prix convenu pour cette affaire ? quel artisan avais-je déjà contacté mais pas encore relancé ? Mon moi-du-futur est peu comme une IA finalement, il faut lui donner un maximum de contexte !
Ce que j’ai trouvé de mieux, c’est d’écrire une fiche dans laquelle je regroupe tout ce qui me sera utile lorsqu’il sera temps de m’y remettre. Une fois que la fiche est créée, je n’ai plus qu’à continuer de l’agrémenter avec les info qui arrivent au fur et à mesure.
On sur-estime ce qu’on peut faire en un an, et on sous-estime ce qui peut être fait en 5 ou 10 ans.
En randonnée, j’aperçois le haut de la montagne finale ! En vol d’oiseau, ce n’est pas si loin, alors je baisse la tête et je fonce ! Quelques monticules et ravines plus loin, je lève la tête et rien n’a bougé: la montagne est toujours aussi loin !
IDEM dans mes projets: passé l’élan des débuts , je ne me vois plus vraiment avancer. Pire, j’ai la désagréable sensation d’avoir perdu mon temps: j’avais bien sous-estimé la difficulté cette fois encore. Alors, j’essaie de me poser pour voir le chemin parcouru, et me rappeler l’objectif. Avec une vision claire du passé et de l’objectif, il suffit d’expliciter le premier jalon (cf. ‘La plus petite marche’) et de concentrer là-dessus. C’est ce que j’appelle garder le cap !
Des fois, dans les folies des grandeurs, je rêve de pouvoir anticiper toutes les étapes intermédiaires pour arriver au but avant même d’avoir commencé ! Mais ce n’est pas très malin parce que plus j’avance dans un projet, plus ma connaissance du réel augmente, et donc la pertinence de mes décisions. C’est très rare qu’un jalon anticipé des mois à l’avance se révèle être le chemin optimal quand j’y arrive finalement.
Pour les projets où personne ne m’attend, c’est un peu plus compliquée de se fixer des jalons entre soi et soi. Je me souviens à la fin de l’université, quand je devais chercher mon premier boulot, j’avais envie de m’y attaquer promptement qu’on en finisse, tellement c’était pénible. Mais dès que les déconvenues arrivaient, c’était l’occasion de prendre un peu de recul, coucher à plat la liste des candidatures envoyées, et mettre en place un jalon pour la semaine suivante et rester motivé. C’était un bon moment pour évaluer mes objectifs par rapport à la réalité : une fois que j’avais vérifié les 5 job boards, envoyé mes 3 relances du jour, j’avais fait ma part et je pouvais aller faire d’autres projets (spoiler alert, ce sont ces autres projets qui m’ont permis d’avoir mon premier job).
Ne songeras-tu pas, ô homme ! combien de temps te dérobent et les maladies, et les affaires publiques, et tes affaires privées, et les soins journaliers de la vie, et le sommeil ? Mesure la durée de tes jours : elle n’a point place pour tant de choses. - Sénèque
Monter au Python des Neiges n’est pas chose aisée, et foncer comme un bulldozer, les points serrés, ne suffit pas pour accomplir à la longue.
Pour devenir inarrétable, il faut commencer par la base: de tout ce qui me tombe dessus continuellement, j’essaie de me concentrer sur ce qui peut changer, c’est-à-dire, arriver à voir ce qui barre mon chemin, le prendre au sérieux, et le régler une bonne fois pour toutes.